Arrêts cardiorespiratoires extra-hospitaliers : les femmes sont-elles plus en danger?

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Une femme victime d’arrêt cardiorespiratoire dans un lieu public a moins de chance qu’un homme de recevoir les manoeuvres de réanimation cardiorespiratoire (RCR) de la part de citoyens témoins, selon une large étude nord-américaine.

Par Joel Neves Briard, M.D.
Médecin résident, Centre hospitalier de l’Université de Montréal

Un groupe de chercheurs américains et canadiens ont étudié 19 331 cas d’arrêt cardiorespiratoire extra-hospitalier afin d’établir si les hommes et les femmes avaient la même chance de recevoir des manœuvres de RCR de la part de témoins citoyens avant l’arrivée des services d’urgence.

Leur article publié dans Circulation : Cardiovascular Quality and Outcomes met en évidence une disparité importante : les hommes ayant un arrêt dans un lieu public ont 27% plus de chance de recevoir la RCR que les femmes. Par contre, aucune différence significative n’a été trouvée pour les arrêts ayant lieu dans un lieu privé ou résidentiel.

Ce résultat s’ajoute à une longue liste de constats sur l’inégalité vécue par les femmes sujettes de maladies cardiaques. En février 2018, la Fondation Cœur + AVC publiait son rapport annuel sous le titre Les Incomprises. Le constat de l’organisme national était clair : il existe une disparité importante entre les femmes et les hommes quant au diagnostic, au traitement et au pronostic des maladies cardiovasculaires.

De nos jours, cinq fois plus de femmes décèdent d’une cause cardiovasculaire que du cancer du sein. Malgré que les maladies du cœur et des vaisseaux sanguins soient la cause principale de décès prématuré chez les femmes, la majorité (78%) des signes précurseurs d’un infarctus du myocarde (« crise cardiaque ») passent inaperçus chez ces patientes. De plus, les femmes qui subissent une crise cardiaque sont plus à risque d’en décéder que les hommes.

Deux hypothèses sont souvent citées pour expliquer cette différence. D’abord, il est possible que les symptômes de la maladie coronarienne soient moins « classiques » chez la femme que chez l’homme (la description typique de la douleur angineuse est une sensation douloureuse de serrement à la poitrine, exacerbée par l’effort, soulagée par le repos, irradiant au cou ou au bras gauche). De plus, puisque le sexe masculin augmente le risque global de souffrir d’une maladie cardiovasculaire, il est possible que le degré de suspicion des médecins face à des symptômes pouvant être attribués à une maladie du coeur soit plus faible face à une femme que face à un homme. Enfin, les modalités diagnostiques employées pourraient mieux dépister la maladie coronarienne chez les hommes que chez les femmes. Globalement, les femmes seraient ainsi moins investiguées, diagnostiquées et traitées que les hommes.

Plusieurs efforts et ressources sont déployés mondialement pour adresser ces disparités. La Fondation Jacques-de Champlain a d’ailleurs octroyé sa bourse d’excellence 2017 à Dre Marie-Annick Clavel, qui étudie les différences liées au sexe dans les mécanismes pathophysiologiques, la présentation, le devenir et le traitement de la sténose aortique calcifiante.

 

(Photo par: Mathieu Cordiez)